Boha : copies de pihets anciens

  

Voir aussi Bohas & Bohaires anciens

La Boha (prononcer "bouho"), de l'occitan buffar ou bohar en gascon : "souffler", cornemuse de Gascogne se compose de quatre parties : la poche (la saca) en cuir avec le porte vent (bohet) et la souche dans laquelle vient se loger le pihet (partie sonore de l'instrument), lui même portant en son extrémité le brunidèr, petite pièce de bois servant à accorder le bourdon.

CLIQUER ici pour avoir un aperçu de ma technique de FACTURE d'une copie du pihet ancien JEAN-GERMAIN LESTAGE

Ces 13 copies / interpretations ont été réalisées au 1/10mm prés à des fins d'étude dans mon atelier entre 2007 et 2013, d'aprés mes observations ou mes plans des pihets originaux ou bien de photos ou de relevés faits par Jacques Baudoin, Patrick Burbaud ou Bernard Desblancs.

Ces pihets, comme les originaux, sont en bois de buis, exceptés le pihet "Lestage", qui est en robinier (faux acacia) ainsi que le pihet Mondineu.2 sans doute taillé dans une essence de cormier (copie 2a) ou bien en bois de cerisier (copie 2b).

Les anciens sonneurs accordaient parfois leurs bohas en rebouchant les (gros) trous de jeux à la cire d'abeille ; ne pouvant évaluer ces retouches, je me suis cantonné à sonner ces pihets (anchés roseau) pour évaluation, sans aucun apport de cire (hors la fente d'accord), en tentant seulement de trouver des cohérences d'accordage autour des consonances "tonique / quinte" et "tonique / octave".

Leurs gammes sont résolument non tempérées et recèlent donc parfois des dissonnances marquantes...

Benquet          

Blanchard         

Cabanac          

Claouriot          

Dardey            

Dupin               

Lestage            

Mivielle             

Mondineu.1      

Mondineu.2a     

Mondineu.2b     

Mondineu.3       

Mougnères        

Padèra             

St Martin       

 

J’étais une enfant unique ! Mon père m’avait taillée dans un troç de bois récupéré chez le menuisier au bourg. Paysan-métayer de son état et donc sachant tout faire, il m’avait façonnée de mémoire après avoir longuement observé une de mes sœurs qui sonnait lors d’un mariage dans les quartiers. Comme elle, il m’avait parée d’étain et de corne, mais aussi gravée et incrustée de cires de couleur, celles dont on scelle les barriques de vin au chai. Jeune, j’étais vraiment magnifique ! Vêtue d’une peau d’agneau retournée enduite de miel, donnée par un berger de la Lana-Nauta, je gonflais fièrement le torse. Avec le temps, mon père qui jouait déjà de la flabuta, avait su m’apprivoiser ; il savait me régler à sa guise et faisait vibrer sans pareil mes anches taillées dans des roseaux de l’étang. Ma face à 5 trous lui suffisait amplement pour faire danser son monde et mon bourdon à deux notes scandait joyeusement les rondeaux et congos des festivités locales. Depuis des années j’étais sa seule et unique compagne !

La Grande-Guerre survint et mon père, qui, à l’heure du départ, m’avait cachée sur une poutre du grenier, n’en revint jamais. Triste et oubliée de tous, je restais là longtemps à me languir… ma peau se rida puis durcit et ma voix, qui s’était tue depuis des années, disparue complètement avec l’arrivée d’insectes qui dévorèrent sans pitié mes anches : je sombrais alors dans une longue et profonde léthargie…

Un jour des bruits me sortirent de ma torpeur : la maison ou j’étais née s’était vendue ; les nouveaux propriétaires, un couple de « gens de la ville » entreprirent de la vider de toutes ses vieilleries, objets rouillés, dépareillés, fripes hors d’âge. Me découvrant par hasard, perchée sur ma poutre et me prenant pour un « drôle de flûtiau », ils en oublièrent mon brunidèr et laissèrent tomber fortuitement mon bohet, qui disparut aussitôt dans la poussière…je fus finalement vendue pour une bouchée de pain lors du vide grenier du village.

Mon nouveau propriétaire, que je n’avais pourtant jamais vu, semblait bien me connaître : il prenait grand soin de moi, m’étudiait sous tous les angles, me photographiait et me montrait joyeusement à ses amis. Un jour, il essaya même de me faire sonner après m'avoir dotée de nouvelles anches, qui ne me convenaient d’ailleurs absolument pas. La matière dont elles étaient faites m’était inconnue. « Carbone sur plexi, super puissant et très fiable ! » l’avais-je entendu argumenter. Piètre résultat ! De toute façon j’étais incomplète et même un peu fendue : tout au plus bonne pour les réserves d'un musée ! 

Il me remisa dans une armoire. Et là surprise, un troupeau de congénères y séjournait déjà !…

Elles semblaient cependant bien jeunes et bien différentes de ma personne ! L’une d’elle était en tenue synthétique outrée et exhibait de nombreux trous de jeu, parfois obstrués par des sortes de bouchons.
- « Le piercing c'est stylé, ces temps dansent ! » sonna-t-elle sur un mode bizarre, presque incompréhensible ! Autrefois je me la jouais tatouée, pensais je.

Une autre aux courbes rondelettes me colla en aparté :
- « Mes 2 tubes de jeu sont assemblés, ça a facilité ma facture ! »...

- « Moi j’en ai 3 et autant d’anches ! » s'accorda une grandotte aux voix graves et harmonieuses tandis qu'une mélodie orientale transpreça :

- « J'ai un trou de puce comme ma cousine Duda ».

- « On m’a doté d’un soufflet et d’un camembert basse ! » bourdonna l'air sec ma voisine !? 

Pour finir, un véritable personnage de science fiction clôtura cet échange futuriste en m'assonnant d’un timbre synthétique :
«Je - suis - un - hybride - électronique - de - dernière - génération - et  - j'ai - été - imprimé - 3D - en - polymère - plastique »

Un frisson me parcouru la panse ! Que s’était-il donc passé durant mon long sommeil ? Etait-ce donc là ma descendance… ?!

Soudain, sortant d’un coin du buffet, un fantôme du passé vint titiller ma mémoire :

- « Mais c’est moi ! » m'exclamai-je en me reconnaissant telle que j’étais dans ma prime jeunesse. Je crus ha-llu-ci-ner en détaillant celle que j’avais été un siècle auparavant. Une copie ? Comment pourrait-elle encore avoir du succès par ces temps nouveaux ?

- « Il m’a faite d’après tes côtes, dotée d'une peau tannée à l'ancienne et anchée en roseau » me confia la jeunette. « Je n’ai certes pas ton expérience mais j’essaierai d’être digne de notre lignée. Et il est très amoureux de moi ! » susurrât-elle émue, avec un brin de fierté.

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